Artists in the boudoir
Posté par Miriam dans Non classé le 28 janvier 2007  à  13 h 41 min


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Un siècle plus tard, suite au concile de Trente, l’Eglise resserre encore la vis et c’est au tour de la jeunesse de cour de s’attirer les foudres du pouvoir religieux, et notamment des jésuites. S’inspirant des auteurs classiques et de la Renaissance, mais aussi des sciences naturelles alors en plein essor, un certain nombre de penseurs contestent l’image de Dieu telle que donnée par la Bible et réfutent les miracles, la chronologie des textes sacrés ou même l’immortalité de l’âme. Les « libertins », en réponse aux attaques dont ils sont l’objet, s’intitulent eux-mêmes les « déniaisés », reconnaissons qu’ils ne manquent pas – déjà – d’un certain cynisme… ni d’un certain courage. Les temps ne sont pas favorables à la contestation : Théophile de Viau, suite à la parution de son Parnasse des poètes satyriques, un recueil jugé licencieux, subit les foudres du Père Garasse et est rapidement emprisonné; tandis que Giordano Bruno, suite aux attaques du Père Mersenne, est jugé et brûlé vif à Rome en 1600. La rigueur de la répression est à la mesure des ferments séditieux que véhiculent les contestataires : s’affranchir des dogmes et des doctrines et revendiquer la jouissance immédiate.
Etre un « libertin », c’est être un impie, dépourvu de moralité, corrompu par la philosophie. Le « libertin », qui « sans âme et sans foi, / Se fait de son plaisir une suprême loi » (Boileau, quatrième Satire), servira dès lors de modèle dans de nombreuses oeuvres littéraires.

Un autre glissement de sens s’opère, au début du XVIIè siècle : de « libertin » à « libertinage », puis de « libertinage » à « dérèglement de vie » ou « des moeurs » (Dictionnaire Richelet). La Foi et la morale sont indissolublement liées : celui qui ne possède plus l’une, perd forcément l’autre.

Toutefois, l’avancée des sciences est inexorable et, à l’approche du siècle des Lumières, certaines voix s’élèvent pour tenter de séparer religion et morale. Pierre Bayle, dans ses Eclaircissements sur certaines choses répandues dans ce dictionnaire, avance qu’il est tout à fait possible d’être athée et vertueux, ou, au contraire, de vivre dans le crime tout en respectant les vérités de la religion. Selon lui, une société a moins besoin d’une religion vraie que de bonnes lois (un argument que Sade reprendra également).

Peu à peu, le « libertin » et le « libertinage » mènent une carrière distincte : d’une part les esprits forts, les philosophes, les libres-penseurs et, d’autre part, le libertinage des mœurs; les roués de la Régence, s’adonnant à la débauche plutôt qu’à la contestation intellectuelle. Ainsi, dans l’Encyclopédie, l’article Libertinage déclare : « C’est l’habitude de céder à l’instinct qui nous porte aux plaisirs des sens; il ne respecte pas les mœurs, mais il n’affecte pas de les braver; il est sans délicatesse, et n’est justifié de ses choix que par son inconstance; il tient le milieu entre la volupté et la débauche; quand il est l’effet de l’âge ou du tempérament, il n’exclut ni les talents ni un beau caractère »

Tout au long du XVIIIè siècle, nouveau glissement de sens; les notions de perversion et de dépravation commencent à être associées au « libertinage »; on retrouve le terme dans les rapports de police, où il est de plus en plus souvent utilisé pour désigner une certaine marginalité, mais aussi le refus d’obéir à l’autorité, notamment familiale, maritale ou paternelle. Ainsi Furetière définit le libertin par « c’est celui qui ne veut pas s’assujettir aux lois, aux règles de bien vivre, telles qu’elles sont prescrites à chacun selon l’état où il se trouve… »

Le roman libertin, par exemple chez Laclos, se pique d’une certaine élégance aristocratique; où l’art de la débauche se fonde sur une stratégie élaborée, élégante et raffinée; et où le style et le niveau de langue comptent davantage que la pornographie et les tableaux graveleux. Nous sommes désormais bien loin du caractère injurieux que revêtait le terme à l’origine. La distinction nouvelle accordée, en littérature, au terme « libertin », le confine à un genre particulier, où la cérébralité et la dimension philosophique prennent le pas sur le plaisir et l’assouvissement des désirs charnels.

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Dernière modification effectuée le 21 Juin 2010