Artists in the boudoir
Posté par Miriam dans Non classé le 2 février 2007  à  15 h 54 min


Bonjour à toutes et tous,

Au retour du Salon des Antiquaires de Bruxelles, dont le niveau est en constante progression, et avant de nous rendre au rendez-vous annuel d’Art Brussels, une question me vient à l’esprit : le marché de l’art actuel serait-il en train de sortir de l’ornière ? Depuis quelques temps, en effet, il semblerait que l’art figuratif connaisse un regain d’intérêt de la part des collectionneurs, n’en déplaise aux critiques et journalistes d’art, qui défendent encore le conceptuel bec et ongles, tout en descendant le figuratif en flèche. Les oeuvres intelligibles, construites grâce à une maîtrise technique solide et d’après les règles esthétiques héritées du passé, selon eux, c’est totalement ringard et mille fois vu. Et puisque, faute d’avoir la culture artistique nécessaire, il leur est impossible de formuler un commentaire intelligent (n’est pas Hector Obalk qui veut), c’est en snobant leur monde d’un air supérieur qu’ils donnent le change. Résultat : les oh ! et les ah ! inspirés fusent immanquablement lors des vernissages minimalistes où l’oeuvre, c’est un mur peint en blanc. Ce qui me fait toujours penser à un conte que j’adorais étant enfant : Les Nouveaux Habits de l’Empereur; où, par snobisme, ledit Empereur se balade tout nu en rue, plutôt que d’avouer qu’il s’est fait arnaquer par son tailleur…

L’écrivain et critique d’art Jean-Philippe Domecq, depuis bientôt dix ans, dénonce haut et fort la fumisterie : les avant-gardes ont toujours voulu rompre avec ceux qui les ont précédés. A partir du cubisme, ce moment de contestation s’est accéléré. Et on a fini par considérer comme oeuvre d’art toute nouveauté. La  » rupture  » est devenue un impératif catégorique, un programme et un préjugé. Ainsi, tout habile scélérat se croit aujourd’hui autorisé à se dire artiste.

Qu’il est courageux, en clair, de braire en coeur le message que la presse et les institutions subsidiantes imposent comme la seule vérité vraie, de peur de passer pour un réactionnaire, un idiot inculte ou pire, un censeur en puissance. Se réclamer des Primitifs Flamands, d’Ingres ou de Dali, c’est s’exposer aux sarcasmes glacés d’une intelligentsia persuadée de son Génie Avant-Gardiste – et qui, à ce qu’il me semble en voyant leurs têtes de croque-morts anorexiques, ne doit pas rigoler tous les jours…

Toujours est-il que même si les prix flambent pour Warhol et Joan Mitchell, et que certain journaliste estime difficile d’imaginer un krach, malgré les mises en garde des vieux routards de la profession (hé, hé), les collectionneurs sont de plus en plus nombreux à retrouver le chemin des salles de vente et des salons d’antiquaires, où l’offre, c’est visible, est plus riche en estampes Ukiyo-e et en peinture du XVIè et XVIIè siècles qu’en montages d’alambics sur latrines et autres coulures sur toile. Et pourtant Duchamp est mort depuis belle lurette…

Je crois qu’il est temps de dire que l’imitation en peinture n’est pas un crime, que l’on imite les aplats de Van Eyck ou les rondeurs féminines; que la technique en art n’est pas une perversion, qu’il s’agisse de rendre des plis dans du marbre ou des mèches de cheveux sur du papier; que la fonction esthétique et décorative d’une oeuvre n’est pas une tare, qu’il faudrait cacher sous un intellectualisme abscons; que l’émotion artistique n’est pas une faiblesse, réservée aux trop jeunes enfants ou aux imbéciles finis et que, n’en déplaise à tout ce beau monde conceptuel plein de morgue et de fatuité, l’originalité n’excuse en aucun cas l’absence de technique et de talent. Créer, ce n’est pas clasher n’importe quoi sur la toile et pondre vingt-cinq pages d’explications fumeuses pour soutenir un concept novateur lors du vernissage top-tendance. Etre un artiste, ce n’est pas se faire mousser l’ego en disant merde à tout le monde (n’est pas Gainsbarre qui veut). Exprimer une vision artistique, ce n’est pas se positionner sur un marché, comme on le ferait pour un pot de yaourt.

J’espère encore : l’ère du tout et n’importe quoi semble toucher à sa fin.

A bientôt,

miriam.





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Dernière modification effectuée le 21 Juin 2010